mardi 3 décembre 2013

Impérial carré de deux


Après presque 9 mois d’absence (hum !), il était grand temps que j’accouche d’un nouveau billet… Comme nous sommes le 2 décembre, cela me donne une excellente raison d’écrire, puisqu’il s’agit d’une date importante dans l’histoire de France. Pas moins de quatre événements majeurs du XIXe siècle ont eu lieu un 2 décembre ! 

Ils sont tous liés à l’histoire des deux Empires qu’a connus la France dans ce siècle, ce qui en fait un jour important pour les « bonapartistes » de tout poil. D'ailleurs, les deux derniers des quatre événements dont je vais vous parler n’ont pas eu lieu par hasard un 2 décembre. Bien au contraire le choix de leur date a été fait sciemment en hommage aux deux premiers. 

La violette est, tout au long du XIXe siècle, le signe de ralliement des bonapartistes

Je vous propose donc un survol de ces quatre événements, auxquels sont consacrés des volumes entiers… Ce sera donc bref et superficiel, mais, je l’espère, pédagogique :)

Le 2 décembre 1804, Napoléon Ier est sacré empereur à Notre-Dame de Paris. Il est déjà «aux affaires » depuis 1799 et son coup d’Etat du 18 Brumaire, mais en 1804 on passe du régime du Consulat, au Premier Empire. Le 2 décembre est le point d’orgue des cérémonies qui se succèdent cette année-là. Fait remarquable, contrairement aux sacres des rois de France qui étaient couronnés par l’Eglise (le roi tient son pouvoir de Dieu), Napoléon se ceint lui-même de la couronne, qu’il tient du peuple, avec la bénédiction du pape Pie VII quelque peu réduit à un rôle de figurant. Dans la foulée, Napoléon couronne Joséphine de Beauharnais, qui devient Impératrice. Evènement est immortalisé dans le célèbre tableau de David. On ne le voit pas sur le tableau, mais les sœurs de Napoléon, qui tiennent le manteau de Joséphine, crevaient de jalousie, tandis que la mère de l’Empereur a tout simplement refusé de venir à la cérémonie (bien que David la fasse figurer en bonne place sur le tableau). Ambiance dans la famille Bonaparte :)

Joséphine entourée de deux de ses belles-sœurs (détail du tableau de David)

Un an plus tard, le 2 décembre 1805, c’est la bataille d’Austerlitz, sans doute la plus célèbre victoire de Napoléon. Depuis 1803, après une courte paix, la France est de nouveau en guerre contre l’Angleterre, qui s’est alliée pour l’occasion avec l’Autriche, la Russie et la Suède. Cette union est désignée sous le nom de Troisième Coalition. On numérote ainsi de 1 à 7 les alliances des monarchies européennes contre la France révolutionnaire puis impériale, entre 1789 et 1815 !

John Bull est chez les caricaturistes le pendant d'Oncle Sam pour incarner la nation anglaise (auteur inconnu)
Le plan de Napoléon pour défaire la « perfide Albion » était de faire une « descente » en Angleterre, mais il a dû y renoncer suite à la cuisante défaite navale de Trafalgar en octobre 1805, où Nelson étrille la flotte franco-espagnole. La nouvelle (l’expression « coup de Trafalgar » vient de là) oblige évidemment Napoléon à changer de stratégie. Du coup, les troupes stationnées le long de la Manche, et qui forment la Grande Armée, sont redirigées vers l’Est afin de régler la guerre par une victoire terrestre. 

Austerlitz est surnommée Bataille des Trois Empereurs car le tsar Alexandre Ier et l’empereur François Ier d’Autriche étaient présents. Ils sous-estiment Napoléon qui parvient par ses manœuvres et ses ouvertures diplomatiques à les persuader qu’il est peu confiant et sur la défensive. Les troupes russo-autrichiennes tombent dans le piège, et dégarnissent leur centre pour attaquer le flanc droit français laissé faible à dessein. La contre-attaque française prend les troupes ennemies à revers sur le plateau de Pratzen. 

Les cuirassiers français avant leur charge à Austerlitz, par Meissonnier -(878)

Les troupes françaises sont supérieurement entraînées (et aguerries par 10 ans de guerres révolutionnaires), déterminées et bien commandées… l’avancement au mérite offrant des cadres bien plus compétents et motivés que dans les armées absolutistes ennemies. 

L'avancement au mérite appliqué au monde de l'entreprise à l'époque capitaliste

La déroute ennemie est totale. « Il vous suffira de dire, ‘j’étais à la bataille d’Austerlitz, pour que l’on réponde, ‘Voilà un brave’ », dira Napoléon à ses grognards au soir de la bataille dans une proclamation lue aux troupes et imprimée dans le Bulletin de la Grande Armée. Napoléon est le premier chef d'Etat à s'adresser ainsi à l'ensemble de sa population (non sans arrières pensées politiques évidemment), ce qui le fait considérer par certains comme l'inventeur de la propagande. 

Pour les deux 2 décembre suivants, on fait un bond en avant d’un demi-siècle et on parle cette fois de Louis Napoléon Bonaparte, futur Napoléon III. 

Il s’agit du neveu de Napoléon, qui pendant toute la Restauration (1815-1830) et la Monarchie de Juillet (1830-1848), est en exil puis emprisonné après des tentatives de coup d’Etat mal préparées. Après la Révolution de 1848 il devient le premier Président de la République, confortablement élu avec plus de 70% des voix. C’est la première fois que suffrage universel est employé en France ! Bien entendu c’est un suffrage universel masculin, les femmes seront priées d’attendre encore un petit siècle…


1918 : "Vous pensiez que travailler 12 heures par jour à l'usine pour l'effort de guerre national vous voudrait le droit de vote ? LOL "

Il est donc élu pour un mandat de 4 ans, mais il est non renouvelable. De plus son pouvoir est (constitutionnellement) limité et il doit composer avec une Assemblée dominée par le parti de l’Ordre, qui n’est pas franchement progressiste… Ce regroupement, qui comprends des personnalités comme Thiers, fait passer des lois conservatrices et exclut en 1850 du suffrage universel (masculin toujours) une partie de la population. 

Le grand humanisme de Thiers est surtout resté en mémoire suite à la sanglante répression de la Commune en 1871, au moment de son retour aux affaires (ci-dessus, le mur des Fédérés au Père Lachaise).
Ordre de grandeur du nombre de fusillés : 10 000 !

Bref, en 1851 le Président et l’Assemblée sont à couteaux tirés, et les tentatives de réforme pour permettre à Louis-Napoléon de se représenter ou abroger la loi électorale de 1850 échouent. Il décide alors de passer en force, par des arrestations, une dissolution de l’Assemblée, des décrets (rétablissant le suffrage universel) et des proclamations populaires. La date du 2 décembre 1851 est retenue à dessein pour ce coup d’Etat, qui est suivi 10 jours après d’un plébiscite, savamment orchestré (seuls les journaux favorables sont autorisés à paraître par exemple). 

En 1852, une nouvelle Constitution est préparée, prévoyant le rétablissement de la dignité impériale. Après un nouveau plébiscite qui est un large succès, Louis-Napoléon devient officiellement Napoléon III le 2 décembre 1852. Pas de cérémonie du sacre cette fois, les négociations avec le Saint-Siège (qui demandait notamment que soit rendu à nouveau obligatoire le mariage catholique pour tout mariage civil) n’ayant pas abouti.Napoléon III règne jusqu’en 1870 et la défaite de Sedan, et il est (en tout cas à ce jour…) le dernier monarque français ! 

C'est aussi le premier chef d'Etat français à avoir pu étaler sa trombine en photo officielle